1. Pourquoi le nom de Louviers ?

3 hypothèses pour expliquer le nom de notre ville :

Origine Celtique ?

Certains chercheurs ont voulu donner au nom de Louviers une origine celtique : Loch Ver. Ces termes rappelleraient la situation d’établissements anciens au bord d’une large vallée marécageuse. Loch, en gaélique, désigne une grande étendue d’eau ; Ver signifie rivière.

Origine Latine ?

Les partisans d’une provenance latine demeurent nombreux et peut-être ont-ils raison. Sans doute faut-il abandonner au poète le joli locus veris (lieu de printemps) bien qu’il figure tel quel dans de nombreux actes du cartulaire de Louviers. N’est-ce pas là une contraction de locus veteres (lieux anciens), comme le suggère M. Baudot, inspecteur général des archives de France, qui a relevé cette expression dans une charte carolingienne, ou de locus veteris , littéralement lot attribué à un vétéran des légions ?

Origine « Animale »?

Pour M. Dauzat comme pour M. Grenet, c’est le mot lupus (loup) qui a pu servir à nommer un lieu forestier infesté de fauves. Enfin, l’orthographe ancienne, encore mentionnée en 1657 loviere pourrait renvoyer au latin oves (mouton) et à la présence antique d’une bergerie, l’ oviere ? Mais tout ceci n’est qu’hypothèses…

2. Quel est l'âge de Louviers ?

On peut avancer l’âge respectable de 6500 ans.

Les vestiges paléolithiques retrouvés dans les environs immédiats de Louviers sont, à ce jour, relativement peu nombreux : des défenses de mammouth, trouvées près du cimetière, – reliefs d’un possible festin cynégétique ? – quelques outils de pierre taillée… Il semble, sur la base des découvertes récentes, qu’une installation durable propre au site même de Louviers ne remonte qu’au mésolithique moyen (vers 4500 ans avant JC), ceci en raison des divagations de la rivière et du caractère marécageux de l’environnement.

On peut donc fixer le début de l’existence de notre cité à cette époque, il y a environ 6500 ans. d’après « L’Histoire de Louviers, évoquée par les choses » de Louis Béquet et Claude Blanluet

3. Y a-t-il une ville de Louviers préhistorique ?

Oui, il y a eu une occupation du site au néolithique.

Les fouilles pratiquées lors des travaux de la nationale 154 à la Villette, à l’emplacement de l’échangeur actuel, ont permis une collecte d’une exceptionnelle richesse, tant sur le plan des aménagements (des passerelles en bois de 80 m de long) que sur le plan des objets (bols et pots en bois, plats de terre cuite, haches de silex et de granit importé d’Armorique). Des renseignements précieux nous sont ainsi apportés sur les modes de vie, d’alimentation et d’habillement d’une population sédentaire d’agriculteurs, éleveurs de bœufs, de moutons et de porcs, ne dédaignant pas accessoirement la chasse à l’aurochs et aux grands cervidés dans un paysage forestier dont l’étendue était extrême, comme le démontre l’abondance des pollens fossiles de feuillus recueillis par les chercheurs.

Cette importante découverte confirme ainsi, en complétant les collections d’armes et d’outils néolithiques retrouvés dans le curieux tombeau que signalait le menhir de la basse Crémonville, une occupation préhistorique intense des bords de l’Eure à une époque où les rares espaces ouverts et dépourvus d’arbres, étaient cantonnés en bordure de rivière.

Sépulture de la Basse-Crémonville, dessin de Jacques-Philippe Renoult. Musée de Louviers

Sépulture de la Basse-Crémonville, dessin de Jacques-Philippe Renoult. Musée de Louviers

Si le site de la Villette a dû être temporairement abandonné vers 3800 avant JC, en raison d’inondations sans doute, on retrouve des vestiges d’occupation à l’âge de bronze (1800 avant JC) avant qu’une occupation plus durable soit décelée  jusqu’à l’époque gallo-romaine où les terrains sont alors assainis par un réseau de fossés, bordés par des clôtures.

Par ailleurs le sol de Louviers n’a pas été, et jusqu’ici très prodigue d’objets de la période celtique si l’on excepte la sépulture trouvée en 1863 contre le mur de l’église Notre-Dame (trois pièces d’or gauloises confirment son origine). On sait cependant que la région appartenait au territoire des Aulerques-Eburovices, qui ont laissé leur nom à Evreux, capitale de leur tribu.

d’après « L’Histoire de Louviers, évoquée par les choses » de Louis Béquet et Claude Blanluet

4. Louviers existait-elle à l'époque gallo-romaine ?

Louviers, pas encore vraiment, mais une petite agglomération était déjà probablement installée là.

La brochure de la SED « L’histoire de Louviers, évoquée par les choses » nous indique :

«La présence d’une agglomération gallo-romaine est attestée par des vestiges de murs, de débris de tuiles, d’objets divers découverts sur l’emplacement actuel de la cité et sur celui du canal de La Villette. Le site de Louviers est alors raccordé par une voie secondaire passant aux Fosses à la grande voie romaine Narbonne-Le Mans-Evreux-Lillebonne, au niveau de Caudebec-lès- Elbeuf. »

Une Exposition du Musée de Louviers, intitulée « Louviers de l’Antiquité au Moyen-Age », tenue de juin 2002 à février 2003, fondée sur les recherches archéologiques anciennes et récentes, fut particulièrement éclairante sur le passé gallo-romain de notre cité.

Depuis près de deux siècles, les travaux de nombreux érudits et historiens locaux font état de découvertes qui indiquent une occupation du site de Louviers aux premiers siècles de notre ère.
Des monnaies, des objets divers, des tuiles, des bijoux, des squelettes, du mobilier funéraire, une amphore, des vestiges de maçonnerie, d’hypocauste, etc. sont ainsi signalés place Thorel, rue du Mûrier, rue des Pompiers, près de Notre-Dame, square Albert 1er, dans le quartier de la Rivette, côte de la Villette.
Plus récemment, dans les années 1990, des sondages et des travaux donnent des indices de vestiges rue des Tisserands, rue Saint-Germain, à la carrière Chiapperin.

Enfin, et surtout, lors des travaux de la rue Saint-Jean, les fouilles conduites par M. E.Mare révèlent l’existence : « d’un secteur bâti de plus de 110 m de long, sur au moins 30 m de large, qui s’installe sur l’une des îles de l’Eure dont les contours à la période gallo-romaine sont encore inconnus. Les constructions se succèdent de la seconde moitié du 1er siècle après J.C. au IIIe siècle au moins. » (E.Mare, Catalogue de l’Exposition « Louviers de l’Antiquité au Moyen-Age » au Musée de Louviers )

A l’autre bout de la ville, les fouilles réalisées rue Leroy-Marie par M.C.Lourdeau lui permettent d’écrire : « Un niveau de démolition contenant de nombreux fragments d’enduits muraux peints témoigne de l’existence de bâtiments à proximité, dans des terrains actuellement construits. Ces vestiges sont, à ce stade de l’étude, attribuables aux IIe-IIIe siècles. » (C.Lourdeau, Catalogue de l’Exposition « Louviers de l’Antiquité au Moyen-Age »)

Nous empruntons à Mme F. Carré sa conclusion dans le Catalogue de l’Exposition : « La concentration de vestiges entre la place Thorel et la Rivette, et l’existence en deux endroits éloignés de 250 m de constructions de qualité (en maçonnerie et chauffées), montrent l’importance de l’occupation dans le secteur de fond de vallée. Les premiers témoins apparaissent vers le milieu du 1er siècle après J.C. (rue Saint-Jean), les derniers appartiennent au IIIe ou au IVe siècle (sépultures de la rue des Pompiers). Il existe peut-être à Louviers une petite agglomération, liée au commerce fluvial et aux échanges entre la vallée de la Seine et Evreux. Cela semble d’autant plus plausible, qu’une population s’y est maintenue par la suite au haut Moyen-Age, comme à Pîtres ou à Caudebec-lès-Elbeuf. Cependant, aucun édifice public n’a été mis au jour et Louviers semble d’une importance très moyenne en regard de celle de Pîtres. »

 

Hubert Robert -Ruines d'un temple dorique- 1783 - Musée de l'Ermitage - Saint-Pétersbourg - (sans rapport avec le texte, hormis

Hubert Robert -Ruines d’un temple dorique- 1783 – Musée de l’Ermitage – Saint-Pétersbourg – (sans rapport avec le texte, hormis « l’antique »)

5. Quelles grandes dates ont marqué l'histoire de Louviers ?
  • 911  : Traité de Saint-Clair-Sur-Epte. Le Duché de Normandie est attribué au prince viking Rollon par le Roi de France
  • 965 : Le nom de Louviers apparaît pour la première fois dans un acte officiel de donation à l’abbaye Saint Thaurin.
  • 1197 : Echange d’Andely. Louviers est cédé par Richard Cœur de Lion à l’Archevêque de Rouen, Gaultier de Coutances.
  • 1346 : Louviers est pillé et saccagé par l’armée anglaise d’Edouard III.
  • 1348 – 1351 : Epidémie de peste noire.
  • 1356 : Pillage de Louviers et ratification par le Prince Noir du traité de Brétigny en l’église Notre Dame.
  • 1418 : Prise et mise à sac de Louviers par les troupes anglaises de Henri V.
  • 1429 : La Hire, compagnon de Jeanne d’Arc, reprend Louviers aux Anglais
  • 1431 : Le régent Bedford reconquiert Louviers sur les Français.
  • 1436 : Reprise de Louviers aux Anglais par Bigards et Xaintrailles
  • 1441 : Combat victorieux du faubourg Beaulieu sur une tentative anglaise
  • 1467 : Louviers obtient de s’administrer.
  • 1506 : Construction du portail flamboyant de Notre-Dame.
  • 1591 : Victoire du Maréchal Biron, lieutenant d’Henri IV sur les partisans de la ligue à Louviers.
  • 1619 : et 1620, 1624, 1648, 1694 : années de grandes épidémies (peste et typhoïde).
  • 1642 : Affaire dite des Possédées de Louviers.
  • 1681 : Création de la Manufacture de Colbert, rue de l’Isle
  • 1779 : Construction de la Manufacture Decrêtot.
  • 1789 : Rédaction des Cahiers de Doléances, début de la période révolutionnaire.
  • 1790 : Premières élections municipales ; Louviers devient chef-lieu de canton et de district.
  • 1832 : Epidémie de choléra en France.
  • 1870 : Occupation de Louviers par les Prussiens.
  • 1926 : Suppression de la Sous-Préfecture.
  • 1935 : Première mandature de Pierre-Mendès France comme maire de Louviers.
  • 1940 : Incendie et destruction du centre ville par les bombardements allemands.
  • 25 août 1944 : Libération de Louviers par les Alliés.
  • 8 octobre 1944 : Le général De Gaulle à Louviers.
  • 1958 : Pierre Mendès France démissionne de son mandat de Maire de Louviers.
  • 1999 : Formation de la Communauté de Communes Louviers – Val de Reuil, qui s’élargit à l’agglomération en 2001.
6. Louviers a-t-elle souffert de la guerre ?

Oui, au cours de son histoire, Louviers a beaucoup souffert de la guerre. Arrêtons-nous sur six périodes parmi les plus noires.

La Guerre de « Cent Ans » marque tout particulièrement notre ville.

En 1346, la ville, qui n’est pas fortifiée, est pillée et saccagée. Les habitants résistent désespérément. Les derniers défenseurs, réfugiés dans le clocher en sont chassés par l’incendie. Louviers est à nouveau pris et pillé, en 1356, puis occupé épisodiquement par les Anglais jusqu’en 1360, année de la paix de Brétigny.

En 1368, Louviers doit faire face aux « routiers », ces soldats licenciés qui vivent sur le pays de rapines et de pillages. Un parti coalisé de nobles et de bourgeois lovériens les éloigne de la cité. Entre temps et, profitant d’une accalmie relative, Louviers s’est doté d’une enceinte dont la première pierre est posée en 1366.
A peine ces remparts sont-ils achevés que l’armée anglaise met le siège devant Louviers. Le combat est farouche et la répression sans pitié : 120 bourgeois sont passés au fil de l’épée et les autres n’obtiennent la vie sauve qu’au prix d’une forte rançon.

En mai 1431, L ouviers est investi par une force considérable de 12 000 hommes placés sous l’autorité du régent Bedford, oncle du roi d’Angleterre. Le siège dure vingt trois semaines. Les vainqueurs ne font pas de quartier, les remparts sont abattus ainsi que tous les établissements importants, château, halle, maisons de pierre, à l’exception d’une maison encore visible au n° 29 de la rue des Quatre Moulins, épargnée pour être une propriété ecclésiastique. Les églises elles-mêmes sont saccagées. La ville n’est plus qu’un amas de ruines, abandonnée par ses habitants dont un grand nombre prend les armes dans les troupes du roi de France.

Les exilés de Louviers, sous la conduite de Bigards et de Xaintrailles réoccupent leur ville dévastée, relèvent les remparts. Une tentative de reprise par les Anglais est brisée et les assaillants taillés en pièces dans le faubourg Beaulieu (la croix de Beaulieu commémorait ce brillant fait d’armes et la dénomination de la rue Massacre a été attribuée à cet épisode militaire).

La croix de Beaulieu, autrefois à l'angle des rues de Beaulieu et de la Ravine

La croix de Beaulieu, autrefois à l’angle des rues de Beaulieu et de la Ravine

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La guerre de la Ligue du Bien Public, amène pendant un court moment des armées sous nos murs, lorsque l’astucieux Louis XI entreprend de reprendre à son frère, le duc de Berry, la Normandie qu’il vient de lui céder. Cette fois, le «siège» de Louviers ne dure que trois jours (30 décembre 1465-1er Janvier 1466) et le roi de France confirme (pour la troisième fois) les privilèges accordés à la ville par son père.

Un évènement tragique a lieu pendant le court séjour de Louis XI. Un noble, le seigneur d’Esternay qui, ayant pris parti pour le duc de Berry, craint le courroux du roi, essaye de s’enfuir. Il quitte Louviers déguisé en moine, avec un autre moine comme guide. Mais, arrêtés à Pont-Saint-Pierre par les sbires de Tristan l’Ermite, les fugitifs sont ramenés en ville et Louis XI les fait immédiatement noyer dans la rivière. On a cru longtemps que le tombeau de Robert d’Acquigny, qui se trouve dans une chapelle de l’église Notre-Dame, était celui du sire d’Esternay.

Louis XI

Louis XI

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Au XVIe siècle, les guerres de Religion déchirent la France. Notre cité voit de nouveau couler le sang. En 1562, le Parlement fait régner une véritable terreur contre les protestants, dont beaucoup sont exécutés. L’ambassadeur d’Espagne, se trouvant à Louviers, dit y avoir vu pendre en trois fois 60 huguenots et un ministre du culte. Le chancelier Michel de l’Hospital doit donner l’ordre d’arrêter ces excès.

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La guerre de 1870 est durement ressentie dans notre cité. On avait déjà, en 1815, subi l’occupation des Prussiens. On les revoit à plusieurs reprises, à partir du mois de décembre 1870. Un certain nombre de nos concitoyens, membres de la garde nationale ou francs-tireurs, se sont courageusement battus et en janvier 1871, à Bourgtheroulde, plusieurs d’entre eux se sacrifient pour protéger le repli des troupes françaises. La ville est évacuée au début de mars 1871, avec les pays situés au sud de la Seine, selon les stipulations des préliminaires de paix, qui viennent d’être ratifiés. Au total, Louviers compte 16 morts, 13 blessés et 23 prisonniers.

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Louviers est préservé des ravages directs de la « Grande Guerre » de 14-18. Menacé à la fin du mois d’août, atteint dans sa partie nord par une patrouille ennemie audacieuse, le département de l’Eure, après la bataille de la Marne, demeure relativement éloigné de la zone des combats.

Un détachement militaire d’instruction caserné à l’école Saint-Louis et dans la salle Saint-Pierre, deux hôpitaux auxiliaires, l’un installé à l’institution Notre-Dame, l’autre dans une usine de textile (Vandevoorde) changent cependant la physiono­mie de nos rues, de notre ville, en y amenant des uniformes, des convalescents à cannes, à béquilles, à pansements, qui, après les enfers de l’Yser, de l’Artois ou de Verdun, retrouvent peu à peu dans le calme de ce coin de Normandie l’espoir et la joie de vivre. Et les mois, les années s’écoulent. En 1918, lors des derniers coups de boutoir donnés par l’Allemagne aux abois, un centre d’accueil pour les réfugiés est aménagé dans une usine de la rue d’Evreux.

Puis, vient l’Armistice, avec son explosion de joie. Malheureusement, l’allégresse ne peut être partagée par tous, car beaucoup de familles ont reçu, surtout après les grandes batailles, de fatales nouvelles. Lorsque Louviers compte ses morts, quand il décide de perpétuer leur mémoire par des plaques de marbre placées dans le hall d’honneur de l’Hôtel de Ville, on constate que les tables blanches devront être grandes, démesurées : puisque 850 Lovériens ont été tués pendant les combats de la Grande Guerre.

A la Mairie, la salle des plaques

A la Mairie, la salle des plaques

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La seconde guerre mondiale commence par la « drôle de guerre ». Mais au printemps 1940, l’armée allemande entre à Rouen le dimanche 9 juin. Les habitants de Louviers rejoignent précipitamment sur les routes la pitoyable cohorte des fugitifs et dès le mardi soir la ville est pratiquement vide. Les débris du 236e régiment d’infanterie mènent des combats retardateurs désespérés à Incarville, Pinterville, Acquigny , sur le pont de Folleville et dans le faubourg Saint-Jean. Le quartier du Hamelet est incendié par l’ennemi, en représailles. Déjà bombardée le 11 juin par la Luftwaffe, c’est le 12 et le 13 juin que la ville subit les assauts aériens les plus durs. Le centre brûle pendant deux jours entiers ; on compte six morts, 550 maisons sont détruites et, parmi elles, la plupart des joyaux du patrimoine historique.

Pendant quatre longues années, Louviers connaît alors le sort commun des villes occupées : restrictions, persécutions sociales et politiques. La résistance s’organise cependant secrètement. Auguste Fromentin imprime dans la clandestinité le « Patriote de l’Eure » et d’innombrables tracts tandis que d’autres participent à des réseaux de résistance. Plusieurs habitants de notre ville seront déportés et neuf paieront de leur vie leur comportement héroïque.

Le débarquement du 6 juin 1944 accroît la nervosité et l’agressivité des nazis, soupçonneux à l’égard de la population et des autorités. L’aviation alliée bombarde sans relâche les infrastructures et la population lovérienne vit en état d’alerte continuelle. La situation se retourne à la mi-août. L’armée allemande en retraite, dépenaillée, désorganisée, traverse la cité, en vaincue cette fois. Les colonnes blindées alliées – des patrouilles canadiennes et américaines – entrent le 25 août au matin dans la ville. La nuit suivante, Louviers est affecté au secteur britannique de la 15e division écossaise. Un ultime bombardement va cependant endeuiller à nouveau la cité, tuant plusieurs personnes place du Champ de Ville et en blessant d’autres, alors que la joie populaire se donnait libre cours.

Mais déjà, les troupes alliées franchissent la Seine, dépassent la région, définitivement délivrée. Le 8 octobre, Louviers reçoit la visite du Général de Gaulle, et, le 26 juin 1949, la ville est décorée de la Croix de Guerre, avec la citation suivante : «Très durement éprouvée, par un bombardement meurtrier en 1940, a participé largement à la lutte contre l’occupant a eu un de ses quartiers incendié par représailles par les Alle­mands et dix parmi les plus notables de ses habitants ont été déportés pour leur activité résistante et sont morts en déportation ».

Louviers, après les bombardements de Juin 1940.

Louviers, après les bombardements de Juin 1940.

D’après « l’histoire de Louviers, évoquée par les choses », de L.Béquet et C.Blanluet, édité par la SED

7. Louviers avait-elle un seigneur ?

Oui, c’était l’archevêque de Rouen.

Au XIIe siècle, Louviers appartient au roi d’Angleterre. Et à cette époque, Philippe-Auguste entre en lutte contre le roi d’Angleterre pour lui reprendre ses domaines français. En 1196, les deux princes signent la « Trêve de Louviers » (confirmation écrite de la paix d’Issoudun). Louviers demeure possession anglaise.
Le roi d’Angleterre sait que la guerre ne tardera pas à recommencer. Il veut fortifier sa frontière normande, et il a notamment besoin de la forte position d’Andeli, clef de la vallée de la Seine. Il y entreprend la construction d’un château fort.

Mais la trêve fait d’Andeli, possession de l’archevêque de Rouen, une sorte de terrain neutre qui ne doit pas être fortifié.
Au mépris du traité, Richard pousse ses travaux : le «nouveau château de la Roche», qu’on appellera bientôt le Château-Gaillard, s’élève rapidement L’archevêque Gaultier de Coutances, outré, met la Normandie en interdit et part pour Rome, pendant que, de son côté, Richard envoie d’urgence deux ambassadeurs au pape. Ce dernier conseille aux deux parties la modération, et prépare un arrangement, une transaction. Pour obtenir Andeli en toute propriété, le roi d’Angleterre se montre généreux. Il cède à l’archevêque d’importants territoires, parmi lesquels les «manoirs» – c’est-à-dire, en fait, les villes – de Dieppe et de Louviers. Tel est l’échange d’Andeli, signé en 1197, une des dates les plus marquantes de l’histoire de notre cité.

Car, désormais (et jusqu’à la Révolution) les archevêques de Rouen sont comtes de Louviers (l’un de ces archevêques-comtes sera élu pape, en 1342 sous le nom de Clément VI). A ce titre, ils disposent du droit de haute justice et peuvent ordonner des exécutions par pendaison (le gibet de la Côte de la Justice, d’où le nom encore aujourd’hui donné à cette colline, permettait de recevoir jusqu’à douze pendus à la fois).

Néanmoins, cette tutelle ecclésiastique, bien que jalouse de ses droits et prérogatives, notamment par les redevances perçues à la Halle, sur les foires et marchés et l’usage de la forêt de Louviers, se révèle moins brutale que la tutelle purement féodale. Cette dernière s’exerce toutefois par l’intermédiaire des nombreuses petites seigneuries qui se partagent le territoire de la ville et ont laissé leurs noms à autant de quartiers : Beaulieu, La Salle du Bois, Folleville, Bercelou, Bigards, La Londe, St Hilaire, Tatin, La Villette…

Disparu lors de l’incendie de 1940, le Manoir des Evêques, qui était devenu l’Hôtel du Grand Cerf, rue du Matrey.

Dessin extrait d'un dossier réalisé par des élèves de l'école Jules Ferry au lendemain de la guerre.

Dessin extrait d’un dossier réalisé par des élèves de l’école Jules Ferry au lendemain de la guerre.

8. Louviers a-t-elle connu la peste ?

Comme toutes les villes d’Europe, Louviers a été touchée par les grandes épidémies.

Ainsi dans les années 1430 : la population paie un lourd tribut à la peste noire. Le nombre de foyers diminue alors de moitié et on relève en 1434 que la moitié des biens immobiliers ont été délaissés.

De 1348 à 1351 Louviers est durement frappé par la grande épidémie de peste noire qui ravage l’Europe.
La lèpre sévissait de façon endémique et les lépreux étaient isolés dans la léproserie de Saint Hildevert.

Aux XVIIe et XVIIe siècles de terribles épidémies de peste, de typhoïde s’abattent sur la population de Louviers : celles de 1619, 1620, 1624, 1648, 1694 (600 morts soit un dixième de la population) et 1770 (plus de mille personnes atteintes) sont parmi les plus cruelles. L’abbé Delamare, dans son Histoire des Rues de Louviers trace un tableau saisissant de ces heures sinistres.

«On se figure quel aspect lugubre présentait Louviers pendant ces longues épidémies, en ces temps malheureux où le drapeau noir flottant â tous les clochers indiquait que des villages entiers étaient comme séquestrés du reste du monde. Partout des maisons cadenassées, les écoles fermées, personne dans les églises; tous mourant ou soignant ceux qui meurent, tous voulant fuir la ville maudite, et tous repoussant au loin les malades qui périssaient dans les champs. A travers les rues désertes, se déroulait le cortège des processions évitant les quartiers les plus infestés et croisant parfois les convois de lourds chariots précédés de torches funèbres qui trans­portaient les victimes de la nuit. Partout, c’est l’isolement, la séquestration absolue des malades dans la maison où le fléau était apparu et qu’on marquait d’une croix blanche pour la signaler â tous. On instituait alors des «médecins de la peste», désignés par le collège des barbiers-chirurgiens, et qu’on reconnaissait à leur robe violette marquée d’une croix blanche. Interdiction leur était faite de communiquer avec âme qui vive ; ils tenaient à la main une verge blanche qui indiquait qu’on devait s’éloigner d’eux. Il en était de même pour les «serviteurs de la contagion», pour les Frères de Charité de Notre-Dame et de Saint-Germain, pour le prêtre qui administrait les moribonds, pour les serviteurs de la maison «qui ne doivent aller aux étaux de la boucherie, tavernes, soit de la ville, soit des champs, sous peine de la hart».
(Abbé Delamare, Histoire des Rues de Louviers, p. 255).

En 1832 encore, le choléra frappe la ville. Il atteint 115 personnes et en fait mourir 41.

Vestige de ces temps douloureux, un chemin qui relie la route de Monfort à la rue Leroy-Marie se nomme « Sente des pestiférés ».

d’après « l’histoire de Louviers, évoquée par les choses » – SED

Pour aller plus loin

D’après le Larousse encyclopédique: « la peste est probablement la maladie infectieuse qui a entraîné le plus de morts dans l’histoire de l’humanité. La « peste noire » notamment (peste bubonique) a ravagé l’Occident entre 1346 et 1353, le chiffre des morts atteignant le tiers de la population de l’Europe occidentale. Actuellement, la peste ne se trouve qu’à l’état sporadique dans certaines régions du monde (Inde, Chine, côte pacifique des Etats-Unis).

Le bacille de la peste (dont la découverte est due à Alexandre Yersin en 1894) est transmis à l’homme par la puce du rat. Il peut exister une contagion interhumaine directe en cas de peste pulmonaire. La peste bubonique est caractérisée par l’apparition de bubons à l’aine, au cou, dans les creux axillaires. Ces gros ganglions indurés s’accompagnent de fièvre et de confusion ou de délire. L’évolution était autrefois mortelle par dissémination scepticémique de la maladie. La peste pulmonaire associe dyspnée, cyanose et expectoration sanglante fourmillant de bacilles. La mort survient en quelques jours en l’absence de traitement. »

9. Qui est le Bonhomme Louviers ?

Le populaire petit « Bonhomme Louviers », que l’on peut voir sur l’un des chapiteaux d’un pilier du choeur et sous le portail flamboyant de Notre-Dame, et qui regarde tristement son écuelle ébréchée, rappellerait, selon certains, que, le 6 juin 1591, les lovériens se sont laissé surprendre « à l’heure de la soupe », par les troupes du maréchal de Biron, lieutenant de Henri IV. En réalité, cette sculpture, probablement antérieure à l’événement, est plutôt une allusion à l’ancien sobriquet de « Mangeurs de soupe » ( et même « maqueux d’soupe ») donné aux habitants de Louviers. Ou peut-être est-il une invitation du maître d’oeuvre de l’église à percevoir des émoluments qui tardent.

1) le Bonhomme Louviers sur le chapiteau du premier pilier à droite du choeur.
2) L’écuelle ébréchée du mangeur de soupe
3) Sous le porche flamboyant, sur la gauche, une autre version du Bonhomme Louviers

1) 2) 3) 

D’après « l’histoire de Louviers évoquée par les choses »-SED. Photos SED.

10. Que sont devenus les remparts ?

Les remparts de Louviers n’ont été édifiés qu’au XIVe siècle. Ils ont été entièrement rasés au XIXe siècle.

Pendant très longtemps, Louviers possession de l’Eglise n’a pas cru nécessaire de se doter de remparts. Et en 1346, au début de la Guerre de Cent Ans, les Anglais qui n’affrontent ni villes fortes ni forteresses mais dévastent les gros bourgs et les villes sans fortifications, attaquent Louviers. La ville est pour la première fois pillée et saccagée. Les habitants résistent désespérément. Les derniers défenseurs, réfugiés dans le clocher en sont chassés par l’incendie.

Vingt ans plus tard, profitant d’une accalmie relative, Louviers se dote d’une enceinte dont la première pierre est posée en 1366. Ce rempart est alors ouvert en quatre endroits : à la porte de Rouen, à la porte du Neubourg, à la porte de Paris, à la porte de l’Eau.

A peine ces remparts sont-ils achevés que la guerre prend à nouveau la pire des tournures pour les Français. Louviers est investi en mai 1431 par une force considérable de 12 000 hommes placés sous l’autorité du régent Bedford, oncle du roi d’Angleterre. Le siège dure vingt trois semaines. Les vainqueurs ne font pas de quartier, les remparts sont abattus ainsi que tous les établissements importants, château, halle, maisons de pierre. Les églises elles-mêmes sont saccagées. La ville n’est plus qu’un amas de ruines, abandonnée par ses habitants dont un grand nombre prend les armes dans les troupes du roi de France.

Puis vient le temps de la reconquête : Charles VII reprend Paris en 1436. Les exilés de Louviers, sous la conduite de Bigards et de Xaintrailles réoccupent leur ville dévastée, relèvent les remparts et la constituent en base arrière de leurs coups de main.

Au début du XVIe siècle, les fortifications, demeurées fort imparfaites depuis la hâtive restauration de 1440-1441 sont achevées (1500) sous l’autorité du cardinal d’Amboise, l’un des plus célèbres archevêques de Rouen, alors premier ministre de Louis XII.

Ce sont désormais des parapets de maçonnerie dominés par de grandes buttes destinées à amortir le tir des boulets, car l’artillerie a fait de notables progrès. Ces remparts sont flanqués de tours rondes et d’une citadelle à la « demi-lune ». Une cinquième porte en direction d’Evreux est adjointe en 1767 aux quatre portes existantes.

En 1730, les boulevards, de la Porte de Rouen à celle du Neubourg, puis jusqu’à la rivière, sont nivelés et plantés. En 1738, on aménage le Champ de Foire à la porte de Paris et le Champ de Ville, sur les espaces marécageux qui séparent la porte du Neubourg du faubourg du même nom. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle l’industrie déborde les remparts et le centre urbain pour occuper les faubourgs (Saint-Germain, Saint-Jean).

Le début du XIXe siècle voit la suppression définitive des anciens remparts et l’implantation des boulevards qui les remplacent à l’époque de la Restauration.

Ainsi, pendant près de cinq siècles Louviers a eu son enceinte fortifiée dont il ne reste aujourd’hui rien, hormis des noms de rues (du Rempart, Tour Gambette, de la Citadelle), des lieux-dit : la Citadelle, la Porte de l’Eau, ou l’empreinte reconstituée de tours de la barbacane de la porte de Rouen.

D’après « L’histoire de Louviers, évoquée par les choses » , S.E.D. 2002.

d'après

d’après « L’histoire de Louviers, évoquée par les choses » , S.E.D. 2002.

11. Louviers capitale de la France, est-ce vrai ?

Oui, pendant six semaines !

En l’année 1441, Charles VII, par la charte signée à Lusignan, reconnaît l’inébranlable fidélité de notre ville à son égard et la fait la première ville décorée de France. Les habitants de Louviers sont exemptés à perpétuité des impôts royaux, notamment de la taille. La ville reçoit le privilège de faire figurer dans ses armoiries le titre de « Louviers le Franc » et ses habitants celui de porter « où il leur plaira la lettre L couronnée en broderie, orfèvrerie et ornement ».

D’août 1449 à août 1450, Charles VII poursuit son avantage en récupérant militairement le duché de Normandie. La campagne s’achève par la victoire de Formigny et la chute de Cherbourg. Pendant six semaines et comme en font foi les cachets de plusieurs actes signés par le roi « en sa bonne ville de Louviers », notre cité devient la capitale éphémère du royaume de France, d’où le souverain organise la reconquête de la Normandie.

D’après « l’histoire de Louviers, évoquée par les choses », de L.Béquet et C.Blanluet, édité par la SED

Charles VII (détail du tableau de F.Clouet)

Charles VII (détail du tableau de F.Clouet)

12. Combien Louviers a-t-elle d'édifices religieux?

Il est difficile de répondre à cette question, car si des édifices comme Notre-Dame ou Saint-Germain sont toujours des édifices religieux, d’autres ont disparu ou sont devenus Mairie, Conservatoire Municipal, demeure privée….

Plan élaboré à partir de celui publié dans l'édition de 1970 de la brochure de L.Béquet

Plan élaboré à partir de celui publié dans l’édition de 1970 de la brochure de L.Béquet « l’Histoire de Louviers évoquée par les choses »

          1. Chapelle Saint-Mauxe et Saint-Vénérand, le Grand Cimetière. Du XIIIe au début du XIXe siècle, le Grand Cimetière de Louviers se trouvait à l’emplacement de la place de la République. Au XVIe siècle, à l’ouest, en face de la rue du Tir, fut construite une chapelle dédiée à Saint-Mauxe et Saint-Vénérand. Du centre de la ville, on accédait au cimetière par la rue Mortuaire ( maintenant rue Tournante).

          2. Le couvent Saint-Louis-Sainte-Elisabeth. Fondé en 1625 le couvent Saint-Louis-Sainte-Elisabeth occupait l’emplacement de la cour de la Mairie. Agitée par l’affaire des possédées de Louviers dès sa création, la communauté se consacre jusqu’à la Révolution au soin des malades. Les administrations du district et de la ville occupent alors les bâtiments, rejointes progressivement par la gendarmerie, le tribunal, la prison, les écoles publiques. Il ne subsiste du couvent que le bâtiment qui longe la rue Mendès France.

          3. Notre-Dame et le couvent Saint-François (les pénitents). Construite à partir du XIIe siècle, mais achevée seulement au début du XVIe, Notre-Dame juxtapose donc différents styles. Le portail sud en gothique flamboyant donne à l’édifice un cachet qui lui vaut sa renommée. Elle connaît actuellement une situation difficile avec la dégradation de la toiture et de la charpente et justifie un important programme de travaux qui vont s’engager. Le couvent Saint-François ou couvent des Pénitents est fondé au XVIIe siècle par des religieux de Sainte-Barbe. Désaffecté sous la Révolution, il servit de salle de séance à la Société Populaire locale affiliée aux Jacobins, d’école de garçons, puis, jusqu’en 1928 de prison. Son cloître, traversé par un bras de l’Eure, est unique en son genre.

          4. L’église Saint-Martin. Ce fut la première église de Louviers, elle était située sur la place de la Halle. Elle devint vite une simple chapelle. En ruine au début du XVIIIe siècle, elle est sauvée par la puissante corporation des bouchers. La Révolution la désaffecte et l’utilise pour y enrôler les jeunes gens. Le Conseil municipal y siège un temps. Salle de spectacle puis halle au blé, elle est détruite en 1856.

          5. Hors les murs. Dans la rue Saint-Germain, l’église St-Germain est la seconde église de Louviers, c’est toujours un lieu de culte. Un peu plus loin, à Saint-Hildevert se trouvait la léproserie, qui avait sa chapelle.

Dans le faubourg Saint-Jean, se dressait jusqu’au XVIIe siècle , l’église Saint-Jean. Elle n’existe plus, mais pas loin de son emplacement on trouve la chapelle de l’hôpital.

Au nord-ouest, à l’orée de la Forêt existe encore le prieuré de Saint-Lubin. C’est une propriété privée. C’était un lieu de pélerinage pour les jeunes filles à marier.

A la sortie sud de Louviers, vers Aquigny, les vestiges de l’important couvent Sainte-Barbe, sont occupés actuellement par un dancing … nommé « Les Templiers » !

13. Et le drap de Louviers ?

Dès le Moyen-Age, on peut trouver des indices de la fabrication de drap et de toile à Louviers.
Vers 1190, dans le Roman du Chevalier du Cygne on lit le vers : « N’avaient pas cotieles de ce drap de Louviers ». En 1201, l’arche-vêque de Rouen achète au seigneur de Mesnil-Jourdain un moulin à foulon au Pont des Quatre Moulins.

L’historien L.Barbe relève dans un document de 1205, le nom d’un drapier : Camin Draparius, les noms de Le Lenneur, Le Tainturier. Le Musée conserve un signet de 1368 destiné à marquer les draps. En 1379 le drapier Jehan Liard offre la « cloche des foulons » à Notre-Dame et au XVIe siècle les corps de métiers de la ville offrent le vitrail des drapiers.

Ainsi, à l’époque médiévale, outre les activités de tannerie, Louviers est un centre important de production de toile de lin et de drap de laine.Les guerres apportent souvent le trouble et la destruction dans ces activités. Et jusqu’à la fin du XVIIe siècle, l’industrie du drap ne réussit pas à se relever des malheurs de la Guerre de Cent Ans et ne retrouve ni son éclat ni sa primauté par rapport aux autres centre.

Vitrail des drapiers -détail- Notre-Dame

Vitrail des drapiers -détail- Notre-Dame

Mais, en 1681, c’est la création, par privilège royal et sous l’impulsion de Colbert, d’une manufacture royale. Celle-ci, (détruite en 1940), est localisée à l’emplacement actuel de la rue du maréchal Foch et de la rue de l’Ile. Elle est dirigée pendant cinquante ans par François Le Camus. Cette infrastructure d’un type nouveau, réunissant pas moins de 60 métiers  et 1 900 ouvriers est consacrée à la confection de draps fins en laine. Elle se trouve également à l’origine de toute une tradition qui va se perpétuer sur plusieurs siècles.

Dès le début du XVIIIe siècle les fabriques de drap se multiplient.

D’abord autour de l’église, puis vers le sud, le long de la rue Grande. En 1760, la ville compte 16 fabricants, 210 métiers et produit annuellement 2900 pièces de drap d’une valeur de un million de livres.

En 1776, c’est la construction de la manufacture Decrétot, rue de l’Hôtel de Ville, « indubitablement la première fabrique de drap du monde » selon le voyageur anglais Arthur Young. En 1784, création faubourg Saint-Germain de  l’usine de la Mécanique qui introduit la mécanisation et l’énergie hydraulique dans le travail de filature. Le même Young relève en 1790 : « Le machinisme dans cette filature  épargne beaucoup de main d’œuvre puisque trois ouvriers font le travail de huit. » ; ce qui permet de comprendre que « tant de « jennies » ont été détruites par le peuple, dans l’idée que ces machines sont contraires à leurs intérêts … ». En 1792, la ville fait battre 300 métiers et emploie 5700 ouvriers.

En 1806, Ternaux crée une des toutes premières manufactures de drap mues par la force hydraulique.
Jusqu’à son expropriation en 1834, Ternaux développe l’activité drapière. Louviers voit la généralisation de la mécanisation et l’installation, jusqu’à la fin du siècle, d’entrepreneurs dont les noms sont encore connus : Jourdain, Ribouleau, Audresset, Jeuffrain, Breton, Miquel…Ils parviennent, avec les procédés et machines modernes, à maintenir la qualité, à abaisser les prix et à faire renaître une prospérité locale qui dure jusqu’au milieu du XXe siècle.

Mais après 1945, quelque chose se brise et disparaît à jamais car la page de la ville drapière se tourne définitivement.
Les années 1950 voient les usines textiles survivantes tourner au ralenti puis fermer successivement. Si le textile fait encore travailler 1400 personnes à cette époque, elles ne seront plus, en 1964, que 800.

Pour résister, les entreprises fusionnent (Miquel et Breton en 1958, Jeuffrain et Vandevoorde en 1967) et jouent la qualité plutôt que la production de masse, mais le phénomène est irréversible : l’usine « des Grelots » débauche en 1951, l’usine des Remparts ferme en 1956, Miquel-Balsan un peu plus tard, ainsi que Jeuffrain-Vandevoorde en 1969. Les cheminées s’écroulent qui ponctuaient le paysage urbain ; la grande pulsation quotidienne des entrées et sorties d’usine rythmée par la sonnerie des sirènes, s’affaiblit, disparaît.

Toits de shed des anciennes usines Breton

Toits de shed des anciennes usines Breton

Jusqu’à ces derniers jours, seule l’entreprise Audresset, avec 50 salariés, défendait la mémoire et la tradition textile en se spécialisant dans une production de luxe de filature et teinture à partir de fils d’origine animale exotique. Le 20 décembre 2002, elle cesse son activité de filature, invoquant le marasme consécutif aux attentats de New-York et la concurrence asiatique.

 

Devenue friche industrielle, le 23 mai 2004, un incendie, probablement volontaire, détruit tout, à l’heureuse exception de la cheminée et du fronton. C’est donc 1000 ans de l’histoire de notre ville dont il reste bien peu de chose. Une salle spécialisée du Musée permet de mieux connaître l’activité textile de notre cité.

Fronton de l'usine Audresset

Fronton de l’usine Audresset

D’après « La Chambre des Tisseurs – Louviers : Cité Drapière – 1680-1840 » de Jean-Michel Chaplain – Champ Vallonet « L’Histoire de Louviers, évoquée par les choses »- S.E.D.

 

14. Quelle est l'histoire du Couvent des Pénitents ?

La création du Couvent des Pénitents a pour origine le transfert à Louviers des religieux de Sainte Barbe, du tiers ordre de Saint-François, qui depuis fort longtemps souhaitent quitter les locaux insalubres et privés de soleil du Mesnil Jourdain, qu’ils occupent depuis 1470. En outre et du fait de leur situation isolée, ces locaux, fort exposés aux inconvénients de la guerre, ont été  » ruinés  » à plusieurs reprises.

Le couvent tombant en ruines, les moines ont bien entrepris l’acquisition de quelques immeubles à Louviers rues du Matrey et des Grands Carreaux, mais manquent, jusqu’à ce qu’ils le trouvent en la personne de Marguerite du Bosc, veuve du Baron de Bec Thomas, d’un généreux donateur…
Cette générosité leur permet d’acquérir un terrain rue de l’Isle, près du bras de Fécamp, sur lequel est édifié, à partir de 1646, l’actuel couvent des Pénitents. Il est précisé dans la lettre patente de la donation qu’en échange  » d’aucun paiement de finances « , les religieux chanteraient la grande messe conventuelle et l’exaudiat avec oraison à l’intention du roi, et ce à perpétuité.
Pour rassurer les édiles lovériens qui craignaient une augmentation de leurs charges, il est stipulé dans le rapport annexé à l’ordonnance que les dits religieux ne pourraient être que douze à Louviers (et deux à Sainte Barbe).

Pendant près de 140 ans, ils donneront toutes leurs aides au clergé pour l’instruction des enfants et le soin des malades… Vers 1767, on entreprend en France le regroupement des couvents du tiers ordre et on envisage sérieusement la fermeture de la maison des Pénitents de Louviers.

Celle-ci ne doit sa survie (jusqu’en1790, date de sa dislocation) qu’à l’intervention du Conseil de ville auprès du supérieur du tiers ordre en menaçant de faire opposition à l’arrêt du Conseil du Roi.

A la Révolution, les moines sont dispersés et le couvent réduit au squelette de ses bâtiments, est dévolu à la ville de Louviers qui fait de sa chapelle un lieu de réunion puis une grange (qui s’écroule en 1825) et du bâtiment principal, une maison d’arrêt (jusqu’en 1928) avant qu’un sort plus enviable ne le transforme en école municipale de musique.

15. Louviers : "une Venise Industrielle" ?

Ce qualificatif a été donné à Louviers en s’inspirant de Monsieur J.M. Chaplain, auteur du livre « la Chambre des Tisseurs », sur l’Histoire de l’industrie drapière de 1680 à 1840, dans lequel il donne à notre ville le titre de « Venise normande de l’industrie »

Dans « L’histoire de Louviers, évoquée par les choses », Monsieur C. Blanluet apporte toutes les explications utiles pour comprendre l’importance du rôle de la rivière d’Eure dans la vie de Louviers.

« L’eau tient une place privilégiée dans l’histoire de notre cité. La rivière qui n’est pas étrangère au peuplement du néolithique, explique aussi la cité gallo-romaine, surveillant le passage de l’Eure à Folleville.
Mais, c’est au Moyen Age que l’avantage défensif se double d’un intérêt économique : la ville se développe alors en un point où la rivière se divise en de nombreux bras et où l’accès au courant d’eau claire et vive bénéficie au maximum de parcelles, permettant le traitement du cuir et de la laine.
L’eau modèle même le paysage urbain et hiérarchise la richesse foncière : aux plus riches les bords amont qui contrôlent (ou confisquent) l’écoulement des eaux. Aux plus modestes les bords avals puis les rues sèches de la ville haute.
Il faut cependant gérer très tôt la multiplicité des usages de la rivière, navigable de Chartres à la Seine, productrice d’énergie pour les moulins, indispensable au blanchiment des toiles, au lavage des cuirs, aux lavoirs domestiques et pourvoyeuse de poissons. Sous la houlette des seigneurs, au premier rang desquels l’archevêque propriétaire, qui perçoivent des droits sur l’usage des portes, vannages et moulins, la tradition attache à chacun des bras un usage qui lui est propre. Les mariniers naviguent sur le bras de l’Epervier, creusé en 1516, le bras de la Londe alimente lavoirs et tanneries, le bras du Gril régularise le débit des bras urbains, les bras de Folleville, Bigard, de la Villette produisent l’énergie, tandis que les curandiers blanchissent dans les canaux des prairies humides de Folleville et du Becquet.

D'après des cartes postales anciennes, le quai des Lavandières et

D’après des cartes postales anciennes, le quai des Lavandières et « l’Eure vue de la rue de la gare »

Mais, cet équilibre est bouleversé à partir du milieu du XVIIe siècle par le développement économique qui raréfie les sites hydrauliques disponibles. Cette situation est aggravée par les progrès techniques qui exigent une régularité accrue des débits et des puissances pour alimenter des machines de plus en plus sophistiquées et performantes, mais qui tolèrent difficilement des interruptions de cycles. Un teinturier, Ricard, s’établit en l’an II sur le bras de l’Epervier, brisant le modus-vivendi, et c’est le début d’un long conflit entre usiniers et mariniers.

Il faut imaginer l’importance de la rivière, siège d’une circulation intense, pour la ville à cette époque. Deux ports, celui des Lavandières ( sur le quai de l’actuelle place de la Poissonnerie) et celui de la Porte de l’Eau ou du Quai de Bigards sont particulièrement actifs. L’Eure pourvoit les besoins en matières premières, laines et peaux, tans et écorces, fer et fonte. Elle assure le transit des vins du Val de Loire, des céréales et farines de la Beauce, écoule une partie des productions de la ville et sert au flottage du bois. Mais la traversée de Louviers est un véritable casse-tête : outre les droits féodaux à acquitter, il faut franchir de multiples portes, vannes, ponts, moulins, et à chaque fois, atteler, dételer les chevaux de halage.

Du point de vue des fabricants, les nuisances de la navigation ne sont pas moins grandes : la manipulation des portes marinières casse le débit, débraye les roues motrices, arrête ou perturbe les cycles de production, sans parler des bois flottants qui endommagent portes et vannes.

La paix ne vient qu’en 1811 avec le creusement du canal de la Villette et le transfert du bassin des Lavandières à celui de Folleville. Mais, à peine le problème est-il réglé que la rivière navigable est déclassée en 1869, cédant le pas à la route et au chemin de fer.

D’autres conflits éclatent : les usiniers s’opposent aux pêcheurs qui jettent leurs gords dans les canaux productifs, et aux riverains eux-même divisés. Tout cela est affaire de hauteur d’eau. Qui contrôle les vannages amont contrôle les débits, au risque de noyer prairies et jardins en ne laissant que les restes aux riverains avals. Les plus gros industriels qui mènent une véritable stratégie d’acquisition remettent en question les droits acquis et les traditions d’usage que les privilèges féodaux avaient figés. Une réglementation complexe est sensée remédier au problème en définissant une fourchette des hautes eaux. Mais des dérogations sont autorisées en l’an II et les conséquences sont catastrophiques.

C’est alors le début d’une nouvelle vague de polémiques qui va durer trente ans, ponctuée par des procès (Conflits de Fontenay, Ternaux, affaire Bourgois, affaire de la destruction du canal du Gril par Hache, affaire du pont des Quatre Moulins) et même un crime de sang (l’industriel Germain Petit est tué par son rival Ribouleau en 1831).

Les litiges aboutissent finalement à un partage du pouvoir entre les « gros », Ternaux, pour les bras de Fécamp et des Moulins, Bourgois pour ceux du Gril, de la Londe et de l’Ermitage ; et une ordonnance royale de 1830 fige définitivement les acquis des conflits, alors que le développement de l’énergie thermique et de l’usage de la vapeur (la pompe à feu) entament peu à peu la prééminence de l’énergie hydraulique et du moulin à eau.

Que reste-t-il aujourd’hui de nos « rues d’eaux » : des sites remarquables, les quais réhabilités des Lavandières et de l’île Petou, vingt-et-un bras et canaux, parfois ignorés, quelques lavoirs et vannages, et des chutes, qui, faute de roue à pousser, grignotent patiemment leurs berges …

Enfin, on ne peut pas parler de l’eau… sans parler d’un fléau dont notre ville fut maintes fois victime : l’inondation. Celles de 1704, 1784, 1792, 1840, 1841 sont restées dans la mémoire de l’histoire, bien que les Lovériens aient déplacé en 1704, le cours de la Ravine pour faire suivre à l’eau le fossé de la porte de Rouen. D’autres inondations eurent lieu en 1910, 1966, 1996… »

16. Que signifient les armes de Louviers ?

Voici des explications extraites d’un dossier réalisé par des élèves de l’Ecole Jules Ferry à la fin des années 40.

D’abord une représentation des armes de la ville, vues par un de ces élèves :

 

Puis, le commentaire qui accompagne ce dessin:

17. Pourquoi une rue des Quatre-Moulins ?

Dans le livre « Les rues de Louviers vous parlent… », publié par la SED en 1986, les auteurs, MM. Dauphin et Marinier, donnent la parole à cette rue, en ces termes :

« Voulez-vous un peu de chronologie pour vous mettre sur la voie ? Tout d’abord, j’étais la Rue St-Taurin, il y a encore la maison des Plaids St-Taurin; c’est une boulangerie. On peut voir, en façade, des traces d’encorbellement en pierre. Les murs sont d’une épaisseur remarquable. Restée au niveau du sol de l’époque, il faut descendre deux marches pour entrer dans le magasin. Cette maison daterait de l’an 1200.
Je devins, au XVIème siècle, Rue de la Porte de Paris, ensuite, j’ai porté le nom de la Rue St-Jean en partie pour devenir définitivement, en 1877, sous la municipalité Bricart, Rue des Quatre -Moulins.
Je pars de la Rue du Maréchal Foch (Pont des 4 Moulins) pour rejoindre le Square Albert 1er en franchissant le bras du Gril sur un pont construit spécialement en 1857 pour remplacer celui en pierre datant de quelques siècles par où on accédait à la Porte de Paris.
Remontons le temps : Il y avait bien quatre moulins sur le vieux pont bâti à l’extrémité finale du bras de l’Epervier, devant le Quai des Lavandières. On les nommait: «Le moulin Février, le moulin Berselou, le moulin Jourdain, le moulin à Green» (ou à blé). Du 13ème au 16ème siècle, ces moulins devinrent propriété des Archevêques de Rouen, Comtes de Louviers. «Berselou et le moulin Février» furent réunis en une seule chute, en 1740. Vers la même époque, les «moulins à blé et Jourdain» firent l’objet d’une opération identique. Propriétés ecclésiastiques ils furent absorbés dans les biens nationaux. A la suite de diverses transactions, Ternaux devint propriétaire de la chute «Berselou-Février» en 1813 dont les successeurs, à notre époque, furent les Ets Jubier, teinturerie industrielle. Le même sort fut réservé à l’autre chute des moulins «à blé et Jourdain». M. Lemaître en devint propriétaire et construisit le petit muret de séparation qu’on voit de nos jours en amont du pont. Plus tard, Germain et Guillaume Petit, grâce à la force hydraulique, y fabriquèrent du drap. Vint ensuite, en lieu et place, le moulin à blé de M. Loison.
On avait, en 1904, reconstruit le vieux pont qui soutenait les moulins tout en m’élargissant. Hélas! la guerre est passée par là et il a fallu tout refaire. Adieu moulins., usines… Que reste-t-il de tout cela? rien qu’un simple déversoir qui rend l’eau bien bavarde »

Vue ancienne de l'Eure prise du Pont des quatre Moulins.

Vue ancienne de l’Eure prise du Pont des quatre Moulins.

Voilà comment se présentaient les 4 moulins avant 1740:

1-Moulin à huile.
2-Moulin Bercelou (ou d’Orgeville, ou petit Moulin).
3-Moulin à fouler.
4-Grand Moulin.
5-Vanne Salbry.
6-Vanne Huet.
7-Vanne d’Orgeville.

(d’après « La Chambre des Tisseurs – Louviers: cité drapière (1680-1840) », de Jean-Michel Chaplain – Editions Champ Vallon)

18. Et la Révolution à Louviers ?

Le cahier de doléances de Louviers, modéré dans sa rédaction, est cependant anti-féodal avec conviction, royaliste constitutionnel, plutôt  » girondin « , et reflète clairement la revendication de voir reconnaître à Louviers un rôle administratif et politique plus conforme à son importance. Cette volonté réformatrice, va se trouver radicalisée par la crise sociale elle-même issue de la crise économique.

La pauvreté et l’insécurité du lendemain, sont le lot commun du plus grand nombre, elles sont aggravées dans les années 80 par le chômage dû à une crise de la mévente du drap et aussi à la crise alimentaire. En effet, la mauvaise récolte de 1788, suivie par un hiver très rigoureux (nous sommes encore dans la période que Leroy-Ladurie qualifie de petit âge glaciaire) entraîne une flambée du prix du blé qui augmente de moitié aux halles du Neubourg.

Comme beaucoup de villes, Louviers connaît ses émeutes de la faim et son été chaud. Des bateaux chargés de blé à destination de Paris sont pillés par des Lovériens à Pont-de-l’Arche les 14 et 27 Juillet 1789. Le 27, c’est près de 4 000 personnes (Lovériens et habitants du Vaudreuil) qui convergent vers la Seine. La garde bourgeoise d’Elbeuf intervient pour mettre fin au pillage. Un des cavaliers du détachement est fait prisonnier par la milice lovérienne, et on évite de peu une bataille rangée entre les deux villes…

La crise alimentaire débouche sur une crise sociale que les autorités en place, royale et féodale, sont incapables de contrôler, alors que les nouvelles qui parviennent des insurrections de Paris et Rouen encouragent le mouvement populaire. A Louviers, devant l’incurie des institutions traditionnelles, le corps municipal bourgeois s’empare de facto des pouvoirs administratifs et de police en créant un comité de subsistances, un comité de sûreté, et une milice bourgeoise qui constitue un véritable bras armé et un rempart contre le brigandage et les désordres.

Les trois paroisses de Louviers sont bientôt réunies en une seule commune, administrée par un conseil municipal et un maire, le tanneur Ovide Papavoine. La ville devient un chef-lieu de canton et de district au détriment de Pont-de-l’Arche et abrite une Justice de Paix.

L’oligarchie des manufacturiers, qui contrôlait le pouvoir politique local et a su dans la tourmente se maintenir en place, subit cependant un revers aux élections de 1790 et doit partager le pouvoir avec une couche moyenne de laboureurs aisés. Certes, le taux de participation électorale est très faible, 28%, en raison du suffrage censitaire et de l’absence de formation des électeurs les plus pauvres, ce à quoi les nouveaux élus essaient de remédier en organisant des séances de lecture publique et en recrutant des fonctionnaires municipaux dans les couches les moins lettrées de la population. La crise économique perdure cependant, alors que les difficultés politiques intérieures et extérieures s’aggravent. La municipalité doit organiser la participation à l’effort de guerre : recrutement de 30 hommes pour les armées, réquisition des chevaux, mobilisation des cordonniers et des ouvriers travaillant le fer et le bois…

Les titres féodaux, remis à la municipalité sont brûlés dans un grand feu de joie. Les réquisitions de blé aggravent encore la disette. Les jardins d’agrément, les espaces publics, les fossés de la ville sont convertis en potagers. Ces difficultés, les réticences des fonctionnaires à appliquer des mesures impopulaires et les résistances de la population font alors entrer la ville dans la spirale de la suspicion, de la répression et de l’épuration. La municipalité sanctionne des administrateurs, dresse des listes de suspects d’incivisme, ce à quoi la contraint le vote de la loi sur les suspects. Les fêtes civiques se multiplient, notamment sous le Directoire : fête de l’abolition de la tyrannie (30 pluviôse an III), de la juste punition du roi des Français (21 janvier), de la Nation (14 juillet), de la fondation de la République (22 septembre), de la Jeunesse (30 mars), des époux (29 avril), des vieillards (27 août), de l’Agriculture (28 juin)… En outre la glorification des victoires militaires, soutient le moral et la mobilisation politique de la population. La reprise de Toulon aux Anglais donne lieu à une grande fête le 30 décembre 1793.

Toutefois, en se rangeant prudemment dans les courants de pensée et d’action qui entraînent successivement le pays, les élus lovériens font preuve d’une modération certaine et leur zèle à adhérer à la réaction thermidorienne est significatif de leur souplesse et de leur adaptabilité, bien que certains soient inquiétés pour fédéralisme en 1793. Les difficultés empirent cependant avec l’incapacité du Directoire à y porter remède. C’est avec le soutien populaire qu’une unanimité de votants (peu nombreux il est vrai) accepte en l’an VIII la Constitution consulaire et un pouvoir fort qu’on imagine apte à résoudre les difficultés de toutes natures. Peu à peu s’organisent les nouvelles institutions.

Texte extrait de « L’histoire de Louviers, évoquée par les choses », brochure éditée par la SED.

19. Où était la Rue Grande ?

La Rue Grande, c’est l’actuelle rue du Maréchal Foch, elle va de l’église à la place d’Evreux (J.Jaurès)

Dans leur ouvrage « Les rues de Louviers vous parlent… », MM.Dauphin et Marinier font dire à la rue du Maréchal Foch:

« La plus belle des rues c’est moi et l’une des plus anciennes: j’étais le Chemin du roi. J’ai été la Rue Grande. Grande parce que je partais du parvis, on me disait aussi Rue Notre-Dame et j’aboutissais aux remparts avant l’ouverture, en 1771, de la Porte de la Société. Mon extrémité m’a valu le nom de la Pêcherie au Barbeau j’étais si proche de la rivière : le bras de l’Epervier. J’ai aussi un carrefour célèbre : Rue de la Laiterie, Rue des Quatre Moulins. Je voudrais vous citer quelques établissements qui ont fait mon bonheur au fil des siècles : le Café de Paris, celui du Commerce, la Maison de la Rose, l’Hostellerie de la Poste de la Baleine, l’Auberge de la Ville de Paris, celle du Barbeau et sur le Parvis, le Mouton d’Argent.

 

La guerre de 14/18 a aussi laissé sa trace toute morale bien sûr puisqu’en 1922 on a rayé Rue Grande pour me parer du nom prestigieux de Rue du Maréchal Foch (1851-1929). C’était moi la plus belle des rues que la guerre de 1940 n’a pas épargnée. Champ de ruines comme tant d’autres de mes sœurs le feu ne m’a pas laissé pierre sur pierre. Désertée sous l’occupation, je suis sortie de mes cendres plus jolie, plus large que jamais. Je suis la rue des banques, des commerces, d’un notaire, des autobus… et j’ai retrouvé mon syndicat d’Initiative : dans la maison du Fou du Roi Maître Guillaume Marchand, miraculeusement échappée au feu de l’enfer. Grande j’étais Maréchal Foch je suis. »

C'était la Rue Grande, avant la guerre, vue du haut de l'église.

C’était la Rue Grande, avant la guerre, vue du haut de l’église.

Documents SED

20. Quelle est l'origine de la chanson "Sur la route de Louviers" ?

On ignore l’origine et l’auteur de cette célèbre chanson. Certains ont pu penser qu’elle serait liée aux corvées que devaient les habitants pour construire les routes au XVIIIe siècle. Rien n’est moins sûr. Mais la chansonnette a inspiré plusieurs auteurs, dont Aristide Bruant, qui ont ajouté des couplets à leur façon, tantôt grivois, tantôt plus contestataires sur le plan social. Pour les enfants, la chanson s’arrête au quatrième couplet. La chanson aurait été créée au début du XIXème siècle.

(Texte et illustration extraits de

(Texte et illustration extraits de « LOUVIERS », publication de la SED)

D’ailleurs les paroles n’en paraissent pas très fixées, on trouve ainsi, pour les quatre premiers couplets, dans le « Louviers le Franc » d’Alphonse Levasseur :

Sur la route de Louviers (bis)
Y avait un cantonnier (bis)
Et qui cassait (bis)
Des tas de cailloux (bis)
Et qui cassait des tas de cailloux
Pour mett’ su’ l’ passage des roues.
Un’ bell’ dame vint à passer (bis)
Dans un beau carross’ doré (bis)
Et qui lui dit : (bis)
Pauv’ cantonnier (bis)
Et qui lui dit : pauv’ cantonnier
Tu fais un fichu métier !
Le cantonnier lui répond : (bis)
Faut qu’ j’ nourrissions mes garçons (bis)
Et si j’roulions (bis)
Carross’ comm’ vous (bis)
Et si j’roulios carross’ comm’ vous
Je n’ casserions poit d’cailloux.
Cette répons’ se fait r’marquer (bis)
Par sa grande simplicité (bis)
C’est c’qui prouv’ (bis)
Que les malheureux (bis)
C’est c’qui prouve que les malheureux
S’ils le sont, c’est malgré eux.

21. Qu'étaient les avant-soliers ?

Les avant-soliers sont des étages ou des encorbellements d’habitations qui surplombent le trottoir ou la rue, déterminant ainsi au rez-de-chaussée un espace couvert et ouvert. Ces avant-soliers reposaient sur des piliers de bois ou de pierre et offraient un passage aux piétons, faisant office de galerie marchande couverte et permettant d’étendre la surface d’exposition des marchandises.
A Louviers, à l’angle de la rue du Châtel et de la rue du Neubourg se trouvait une célèbre maison des avant-soliers. C’est cette maison qu’a dessinée un élève de l’Ecole Jules Ferry, juste après la guerre qui a fait disparaître cette belle construction.

Texte et document SED.

22. Pourquoi Louviers n'est-elle pas sous-préfecture ?

Louviers n’est plus sous-préfecture, mais l’a été plus de 125 ans. Bien que troisième ville du département, et pas plus que Vernon la deuxième, Louviers ne bénéficie du statut de sous-préfecture. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.

Lors de la création des départements en 1790, Louviers devient chef-lieu de district. En 1795, les districts disparaissent, mais en 1800, Bonaparte crée les arrondissements et Louviers devient sous-préfecture. Le premier sous-préfet est un fabricant, Frontin, qui habite au 21 de la rue du Vallet ( actuellement rue Dupont de l’Eure) ; il aura 36 successeurs.
Les bureaux de la sous-préfecture, d’abord installés rue Tatin, sont transférés en 1805 aux 20 et 22 de la rue du Vallet et en 1832, la maison de Graveron, toujours rue du Vallet, devient l’hôtel de la sous-préfecture.
En 1926, Poincaré supprime la sous-préfecture de Louviers. En 1979, l’ancienne sous-préfecture est démolie pour faire place à un ensemble immobilier.

Texte et illustration d’après « LOUVIERS », publication de la SED

Vous pouvez trouver un article PDF de M.Bodinier traitant du Journal de Mme Guynemer, épouse du sous-préfet en 1870 en cliquant ici.

23. Qu'est-ce qu'un grenier à étentes ?

C’est un élément caractéristique de l’architecture industrielle du XVIIIe siècle assez spécifique de la région rouennaise.

A l’origine, le séchage des draps s’effectuait en plein air : l’étente est généralement un jardin en centre ville.
Mais l’augmentation de la production et la raréfaction des espaces urbains disponibles amènent les fabricants à investir les greniers puis à surélever les bâtiments existants. Les étentes sont ces constructions en surélévation d’un bâtiment, espace ouvert à l’air et au vent mais abrité de l’ensoleillement et de la pluie.
L’usage des greniers à étentes s’achève avec l’apparition de bâtiments incluant, dès leur construction, un dernier étage destiné à cet effet, puis des systèmes de séchage par fourneaux, tuyaux et vapeur sont progressivement substitués dans un environnement industriel au séchage naturel.

Les étentes sont devenues logements. Même sous cette forme, il en reste peu de visibles. Levez les yeux rue de la Poste, rue du Quai, rue Ternaux.

Les étentes sont devenues logements. Même sous cette forme, il en reste peu de visibles. Levez les yeux rue de la Poste, rue du Quai, rue Ternaux.

24. Louviers a-t-elle connu des personnages importants ?

Oui, en voici cinq exemples : Maurice Duruflé, Pierre Mendès France, Maître Guillaume, Jean-Baptiste Decrétot, Jacques-Philippe Renout

 

 

25. Que peut-on lire pour mieux connaître Louviers, son histoire, son patrimoine ?

Vous pouvez trouver dans les bonnes librairies, ou, pour ses publications, auprès de la SED :

  • L’Histoire de Louviers évoquée par les choses, de Louis Béquet et Claude Blanluet, S.E.D., Louviers , nouvelle édition, 2002.
  • Louviers, recueil thématique de cartes postales et photos, S.E.D., Elbeuf, 1997.
  • Louviers, Alphonse Levasseur , Pacy, 1914. Rééd., mise à jour et complétée par des historiens de Louviers, Bertout, Luneray, 1993.
  • Les rues de Louviers vous parlent, Robert Dauphin et Daniel Marinier, S.E.D., Louviers, 1986.
  • Louviers le Franc, Histoire des rues de Louviers, DELAMARRE René (abbé), réimpression de l’édition de 1930, Editions Page de Garde.
  • Histoire de l’Eure de la Préhistoire à nos jours, dir. Bernard Bodinier, Bordessoules, Saint-Jean-d’Angely, 2001.
  • Louviers, 4 années d’occupation (1940-1944), Robert Dauphin, S.E.D. Louviers, 1990.
  • La Chambre des Tisseurs, Louviers cité drapière (1680-1840), Jean-Michel Chaplain, Ed. Champ Vallon, Seyssel, 1984.
  • Louviers au fil du temps, ouvrage collectif, SED, Louviers, 2012
  • La Grande Guerre des Lovériens, ouvrage collectif, SED, Louviers, 2014
  • Elbeuf/Louviers, histoire croisée de deux cités drapières, SED, SHE, Louviers, Elbeuf, 2018

vous pouvez consultez à la médiathèque Boris Vian :

BARBE Lucien, « Histoire de l’industrie du drap à Louviers », Bulletin S.E.D.,t. I,1893 ; t. II, 1894. « Histoire du Couvent de Saint-Louis et de Sainte-Elisabeth de Louviers et de la Possession des religieuses de ce monastère », Bulletin S.E.D., t V, 1898.
BUFFETAUT Nicole, Le Couvent du Diable, Bertout, Luneray, 1997.
CARTULAIRE DE LOUVIERS, publié par Théodore Bonnin, Leclerc, Evreux , 1870.
CHAPERON Françoise, Pierre Mendès France dans l’Eure : trente années de vie politique, 1932-1962, Thèse 3e cycle, Rouen, 1984.
COLLIGNON Maurice, « Ternaux (1763-1833) » Bulletin S.E.D., t. VII, 1903. « Napoléon 1er dans l’Eure », Bulletin S.E.D., t. XII, 1909-1910.
COUTIL Léon, Louviers et ses environs à travers les âges, Impr. des Papeteries de Normandie, Caen, 1929.
DIBON Paul, Essai historique sur Louviers, Périaux, Rouen, 1836.
GUIBERT Henri, « Louviers pendant la Guerre de Cent ans » Bulletin S.E.D., t. II, 1894.
LA CONTE Marie-Christiane (de), « Monseigneur Péricard, évêque d’Evreux (1613-1646) et l’affaire des possédées de Louviers », Connaissances de l’Eure, N° 49, 1983.
LE MERCIER Edmond, Monographie de l’église Notre-Dame de Louviers, Hérissey, Evreux, 1906.
LISBONIS Benoît, Louviers, une petite ville normande plongée dans la Guerre de 100 ans, Maîtrise, Rouen, 1999.
MARCEL Léopold, Voies publiques de Louviers, Impr. Isambert, Louviers, 1881.
MORIN Louis-René, Histoire de Louviers, Périaux, Rouen, 1822.
PETIT Guillaume, Histoire de Louviers, Delahaye, Louviers, 1877.
BULLETINS DE LA S.E.D. de 1893 à 1930, 20 vol. Articles notamment de Barbe, Collignon, Coutil, Guibert, Thibout…
BULLETINS DE LA S.E.D. depuis 1961, 41 vol. Articles notamment de MM. Bécquet, Bodinier, Cornu, Dauphin, Marinier, Pingué.